22 sept. 2014

Notes Vagabondes: L'art de transformer la réalité en conte de fées

 
21 septembre 2014 par Julie Curien

La petite reine de Bahia, ou l’art de transformer la réalité en conte de fées, un roman terriblement dur et profondément tendre. L’auteur, Alejandro Reyes, né à Mexico, exerce le métier de journaliste et écrivain ; il a vécu au Brésil, où il a aussi été travailleur social auprès des enfants des rues. Ici, il nous raconte l’histoire de jeunes vagabonds dans la ville de Bahia, en se fondant sur le moment d’une rencontre, celle du narrateur, Betinho, avec une nouvelle, Maria Aparecida, belle comme un cœur, toute apeurée, qu’il prend sous sa protection. 

Ils vivent de débrouilles, de menus larcins, sans jurer allégeance à une quelconque bande. Ce sont des bambins meurtris par une histoire familiale propre, mais malheureusement si similaire d’un cas à l’autre qu’elle en devient commune. Ce sont des gamins au grand cœur, dont la ressource première demeure l’énergie, la colère et l’envie de vivre. Ce sont des marmots marginaux, Betinho l’homo exploité qui se fera travesti(e) brillant sur les planches, et Maria Aparecida, avec ses croyances, bientôt ses activités de prostituée, ses crises encore… et leurs rêves d’adolescents. Des mômes abusés mais jamais longtemps désabusés, héros d’un récit qui se clôt telle la fin, moderne, d’un conte de fées : l’ouverture vers l’avenir, optimiste, sans doute un brin fantasmé, de ces deux êtres soudés.

Une lecture que je vous recommande vivement : à découvrir en français chez Denoël, traduit de l’espagnol par Alexandra Carrasco en 2014 [titre original : La Reina del Cine Roma, paru en 2013].

16 août 2014

Love of Book - La petite reine de Bahia


Mon avis : 
Second livre que je reçois de la part des éditions Denoel et contrairement au premier, cette lecture fut une très belle découverte ! 

Je vous avoue tout de suite pourquoi j'ai voulu le lire outre la belle couverture et le résumé alléchant, l'histoire se passe au Brésil or quand j'ai reçu la sélection de livres nous étions en pleine coupe du monde et j'ai tout de suite été tentée de découvrir le Brésil à travers les mots. Le Brésil qui nous est présenté dans La petite reine de Bahia est un Brésil assez misérable où tous les coups sont permis pour tirer son épingle du jeu ou tout simplement survivre. Peu reluisant ? Oui ! Mais, à coté de tout cela, j'ai été charmée par les descriptions des lieux, des coutumes et j'ai encore plus envie de pauser les pieds dans ce pays malgré ses cotés noirs (mais chaque pays en a !). 
Revenons à l'histoire ; dès le début j'ai été embarquée tête la première dans les aventures de Maria et de Betinho. Il faut dire que l'auteur nous plonge directement dans le bain en nous mettant dans la tête de Betinho qui agit comme s'il nous racontait l'histoire. On ne peut que se sentir directement concerner grâce à ce procédé d'écriture et ça n'a pas raté ! On entre dans un monde de prostitution qu'elle soit adulte ou infantile, un monde de violence inimaginable et tout cela nous prend à la gorge, on est dérangé et en même temps on veut aller plus loin dans notre lecture, on veut suivre nos deux protégés. Alejandro Reyes réussi le tour de force de nous faire comprendre que le monde est atroce pour certains enfants (chose qu'on essaye souvent de se cacher) et on se prend une véritable claque en pleine figure devant ces deux enfants à l'amitié sans faille, une vraie leçon d'humilité ! 

Les personnages sont un des gros points forts du livre : ils sont puissants, on s'attachent à eux à une vitesse folle et on ne leur veut que du bonheur. J'ai ri, pleuré, tremblé avec eux, j'étais totalement en symbiose et qu'est ce que c'est magique quand une lecture se passe comme ça ! Betinho est un jeune homosexuel qui a fuit un beau-père violent du coup c'est un jeune homme fort qui a des relations dans la ville. Il a un sens de l'amitié tellement poussé que j'en avais parfois des frissons ! Il fait tant de sacrifice pour Maria qu'à un certain moment je me retenais de pleurer purement et simplement ! Maria est une jeune femme qui elle aussi a fuit un père violent après la mort de sa mère. Cependant elle garde une certaine naïveté et une certaine douceur qui l'emmèneront vers de mauvaises choses parfois... Tous deux ont vécu des choses que des enfants ne devraient jamais connaitre ! On les voit grandir petit à petit tout au long du livre dans des conditions peu reluisantes et à chaque mésaventures j'avais mal au coeur en me disant que de "vrais" enfants vient quelque peu la vie de Maria et de Betinho ... 
Les personnages secondaires sont eux aussi très intéressants, ils entourent en bien et en mal notre duo et j'avoue en avoir beaucoup haï... Ils sont très nombreux et pourtant l'auteur leur donne des caractéristiques telles que l'on ne se perd pas durant notre lecture ce qui est une chose capitale ! J'ai été frappée de voir comment les personnages adultes se servent des enfants ! Mon coeur de bisounours a saigné plus d'une fois ... 

L'écriture d'Alejandro Reyes est une écriture bourrin mais pas dans le mauvais sens du terme. Il ne s'embarasse pas de fioritures diverses et variées, il va droit au but. Comme je l'ai dis plus haut, c'est Betihno qui raconte l'histoire du coup l'auteur adopte un langage assez ordurier pour convenir à un langage d'enfant des rues qui se fichent de se faire disputer s'il dit un gros mot. Cette manière d'écrire donne une grande dimension réaliste au récit et je pense que c'est en grande partie grâce à cela que j'ai été engloutie par l'histoire purement et simplement ! 

En bref, une superbe découverte que je conseille à tous et pour moi, un auteur à suivre ! Merci aux éditions Denoel !

6 août 2014

Au jardin suspendu: La petite reine de Bahia

Mon avis: J'avais lu de bons avis sur ce livre mais je ne savais pas vraiment à quoi m'attendre pour autant. Au final, cette lecture m'a retourné et bouleversé!
Maria et Betinho sont deux enfants qui ont eu la malchance de naître dans la mauvaise famille. Très tôt livrés à eux-mêmes ils vont devenir des enfants des rues. Leur rencontre va marquer le début d'une amitié indéfectible et magnifique. Rien ne peut arrêter ces deux enfants pleins d'espoir qui rêvent d'un avenir meilleur...si ce n'est la dure réalité dans laquelle ils vivent.

Pour survivre dans cet enfer ils vont se serrer les coudes, se donner la main et ne plus se lâcher. 
Entre prostitution, drogue et humiliations, ce roman aussi dur que sublime nous emmène au fin fond du Brésil où règne le chaos.
Une histoire qui m'a prise aux tripes, j'en ai encore des frissons en écrivant cette chronique! 
L'auteur interpelle le lecteur dès le début du livre ce qui fait que j'ai été embarqué dans cette lecture de suite. Avec un style bien à lui, Alejandro Reyes se montre direct, sans oublier aucuns détails afin que l'horreur soit totale. J'ai bien senti que l'auteur nous parlait d'un sujet qu'il connait.
Un monde horrible donc où on a un bon aperçu de la violence des hommes, de l'inceste, du viol, de la prostitution des enfants qui n'ont qu'un espoir: que l'on pose sur eux un regard différent. Mais, surtout pas du dégoût et de l'indifférence. 
 
Au milieu de cet noirceur, ces enfants des rues m'ont apparu comme étant les lumières qui éclairent cette ville. A la fois attachants, attendrissants, j'ai espère de tout cœur qu'ils s'en sortent.
C'est un livre très paradoxal car au-delà de ces horreurs, Maria a une joie de vivre inébranlable. 
Par ailleurs, pendant cette lecture j'ai ressenti un grand sentiment d'injustice vis à vis de ces enfants oubliés.

Un livre fort et puissant tout en sensibilité qui est à mon avis, le livre contemporain à lire en ce moment! Un livre à ne pas rater! 

♥ ♥ ♥ ♥ ♥

21 juil. 2014

Mickaéline et ses livres

Avant toute chose je tiens à remercier vivement les éditions Denoël qui m'ont permis de découvrir cet excellent ouvrage. Mon premier vrai coup de cœur de l'année.

J'ai choisi ce livre dans la liste proposée, et bien oui, une fois encore pour sa couverture. Que voulez-vous on ne se refait pas.


Donc vous l'aurez compris, j'aime cette couverture, tout d'abord parce que cette jupette qui s'envole me fait penser à l'enfance, aux petites filles qui s'amusent à tourner, et tourner afin de faire tournoyer leur jupette. Mais là le contraste saisissant du corps sinon adulte presque pubère, nous donne à penser que ce roman ne sera sans doute pas aussi gai, qu'il y parait.

Maria est une petite fille de 10 ans qui décide de vivre dans la rue, elle s'est enfuie de chez elle pour échapper à son père. Petite, sans défense, orpheline de mère, arrachée par la vie à son frère, elle va rencontrer Betinho, un jeune garçon débrouillard, et également sans abri. Lui, le jour de leur rencontre, il essais de se cacher d'une bande rivale, afin de rester en vie. Un peu plus âgé, il va la prendre sous son aile et la protéger, comme il peut. Ces deux écorchés vifs n'ont pas fini d'en voir. Mais rien, ni personne n'arrivera vraiment à les séparer. C'est une formidable histoire d'amitié et d'amour que nous livre ici Alejandro Reyes


Avec des mots crus et simples Bethino nous conte leurs histoires à Maria Aparecida et lui, enfin surtout celle de son amie. Pour ce faire l'auteur utilise un style familier, voir très familier. Renforçant ainsi les sentiments qu'il souhaite nous transmettre, comme un marionnettiste tire les ficelles de ses marionnettes. Il nous fait passer du rire aux larmes, du dégoût à l'espoir. Sous sa plume Bethino n'hésite pas à prendre a partit le lecteur. Comme si nous avions le droit de ressentir, mais en aucun cas celui de juger. C'est comme ça, point. Si eux acceptent cette vérité, pourquoi, des blancs, comme les touristes du sexe auraient le droit de les juger. Puisqu'ils sont les premiers à provoquer ce commerce.

Au commencement de la narration, Bethino et Maria Aparecida sont adultes, mais notre conteur nous fait revivre leur histoire depuis leur rencontre, sauf pour Maria, il revient bien au delà, car c'est son histoire à elle qu'il veut mettre en avant. Elle est sa petite reine, son rayon de soleil. La seule femme qui aura su gagner le cœur de ce jeune gay.


Comme de nombreux enfants et adultes de ce Brésil des bas-fonds, bien loin de celui de la coupe du monde. Bethino est un jeune garçon qui survit, grâce à de menus larcins, homosexuel il n'hésite pas non plus à vendre son corps au plus offrant. Il se livre peu dans ce récit, on sait ou du moins, on devine que comme son amie, il a été abusé très jeune par son père, et, que pour le fuir, il vit dans la rue. Où finalement, il fait ce que les adultes lui ont appris de mieux. En admiration des transsexuels, il en devient vite leur ami, d'ailleurs qui n'aimerait pas Bethino, moi-même il m'a touché plus d'une fois. Choqué parfois, amusée souvent. Et puis l'inévitable survient, Béthino se fait avoir, le petit rusé a trouvé plus fort que lui. Alors qu'il croyait avoir enfin trouvé le grand amour, la vie, lui a rappelé amèrement que tout à un prix, et que rien n'est jamais acquis pour ces laissés-pour-compte. Sa seule consolation être enfin devenu celui qu'il voulait, ou presque, un travesti. Il ignorait alors que son plus grand rêve, deviendrait son pire cauchemar.


Maria Aparecida, c'est la joie de vivre incarnée, tout le monde est en admiration devant cette enfant puis cette femme à la beauté surprenante. Née d'une mère prêtresse et d'un père pécheur, sa vie aurait été bien différente si sa mère n'était parti bien trop vite. Toujours dévouée pour ses proches, elle est injustement accusée de tout leurs maux. Elle ne rêve que d'une chose s'en sortir. Mais là encore la vie ne la laissera pas faire. Chaque fois qu'elle est sur le point d'y arriver, un grain de sable, fait dérailler la machine. Attachante, rebelle, parfois égoïste, elle reste malgré tout dévouée à sa famille et à ses amies.



En conclusion :


Si la petite reine de Bahia n'est pas une histoire vraie à proprement parler, elle est cependant basée sur des faits réels. Une magnifique histoire d'amitié, d'amour, où ces mots prennent tout leur sens dans le chaos, que vivent tous ces oubliés de la vie. Dont le quotidien est fait de prostitution, de viol et violence en tout genre. Où il est plus facile de tomber dans la drogue, que de survivre, on ne peut qu'admirer leur courage. Et prendre la leçon d'humilité qu'ils nous donnent.
Mon seul regret que le roman se termine par une fin ouverte, car j'aurai bien aimé voir écrit noir sur blanc, que Bethino et Maria Aparecida, ont enfin trouvé une vie calme et reposante. Mais comme l'auteur, nous en laisse le choix, c'est ce que je souhaite à ces personnages.



Morceaux choisis :



Dieu s'est un peu emmêlé les pinceaux, il n'a pas tout mis à la bonne place. Moi, franchement, j'aimerais savoir pourquoi Dieu a inventé le sexe. Voilà un truc qui n'a jamais marché, juste bon à créer des problèmes, depuis la Création jusqu'à nos jours. Si j'étais lui, jamais j'aurais inventé une connerie pareille. Imagine comme le monde serait bonard sans le sexe : plus de viols, d'embrouilles, de guerres, d'amours déplacées... Tout le monde serait peinard. Mais non il a fallu qu'il conçoive ça pour nous faire chier, sans compter qu'il se goure au moment du montage et qu'il ne met pas les pièces au bon endroit, je te dis pas le bordel. On en vient à croire qu'il se paie notre tête.


Je lui ai appris à construire un abri où on pouvait tenir à deux en joignant plusieurs cartons. Quand on s'est enfin installés dans notre nouvelle maison et qu'on en a refermé "l'entrée" avec un carton, elle a posé sa tête sur mon épaule comme elle faisait d'habitude. Elle était émue : triste, joyeuse, troublée, ne sachant que faire avec cette envie de pleurer qui lui serrait la gorge.
- On ne se séparera jamais, pas vrai, Betinho ?
- Jamais, ma reine. Jamais.


  j'ai jamais compris la logique de femme, ça vous entortille le cerveau, ça part dans tous les sens et y a pas moyen de discuter.


Maria Aparecida est arrivée en compote, mais elle a adoré l'endroit. Toi, là, assis, ou assise, dans ton fauteuil, le livre à la main, en train de fumer un cigare - Je ne sais pas pourquoi diable je t'imagine en train de fumer un cigare -, tu ne peux pas comprendre comment on peut adorer un trou de rat pareil. Et c'est bien dommage, parce que ça veut dire que jamais de ta vie tu ne pourras ressentir la joie de Maria Aparecida.

15 juil. 2014

Maghily - La petite reine de Bahia

Le roman dont je vais vous parler aujourd’hui n’est certainement pas à mettre entre toutes les mains. Gagné grâce au dernier Masse Critique de Babelio, je n’en avais jamais entendu parler jusque-là. La Petite Reine de Bahia nous fait découvrir le côté sombre de ce Brésil qui a pourtant tenté de se montrer sous un meilleur jour au cours de ces dernières semaines.

Plusieurs fois, j’ai failli refermer ce roman tellement les images qui me venaient étaient glaçantes, terrifiantes. Et cela d’autant plus que l’intrigue est basée sur une histoire vraie, inspirée par les enfants que l’auteur a eu l’occasion de rencontrer lorsqu’il était éducateur de rue, au Brésil. Sachant cela, difficile de mettre une distance dans cette lecture. Les situations vécues par ces enfants prennent une toute autre dimension. La violence est présente tout au long du roman, rendue plus crue encore par le côté désabusé du narrateur lorsqu’il en parle. Ce qui choque, au-delà de la monstruosité des actes qui sont souvent commis, c’est l’apparente désinvolture avec laquelle le narrateur la décrit. C’est « normal » que les enfants se fassent régulièrement violés par les adultes censés s’occuper d’eux, qu’on leur propose de se prostituer pour vivre, qu’on les batte lorsqu’ils ne font pas ce qui leur est demandé, … Difficile à intégrer pour l’Européenne bien lotie que je suis.
Mais derrière cette dénonciation de la misère dans laquelle vivent ces enfants des rues, l’auteur nous propose également un roman dans lequel l’amour et l’espérance aident les personnages à supporter leur vie. Il nous offre également une leçon de tolérance envers les milieux stigmatisés qui sont décrits tout au long de ces pages : les prostituées, les sans-abris, les homosexuels ou encore les travestis. Tous souffrent de leur situation mais tentent coûte que coûte de préserver leur estime d’eux-mêmes car ce qui les tuent, ce n’est pas la violence mais l’humiliation et le manque de respect dont font preuve leurs clients ou leurs « patrons ».
Le roman est écrit à la première personne du singulier, d’après le point de vue de Betinho, devenu adulte, qui revient sur les années vécues avec Maria Aparecida. Les mots qu’il utilise sont assez crus et son style direct, ce qui vient rajouter encore un peu plus de vulgarité à certaines situations. C’est pourquoi je pense que ce roman ne doit pas être proposé à de trop jeunes lecteurs bien que le style et l’intrigue ne soient pas trop compliqués.
Et dans tout cela, un détail m’a interloquée, l’utilisation faite du mot « vagalam » au lieu de vague à l’âme. Est-ce un jeu de mot de l’auteur transformé en français par la traductrice ou est-ce une invention de cette dernière ?! Au début, j’ai cru à une simple « faute » mais le mot revient à de nombreuses reprises dans le roman, comme un leitmotiv.
Je ne sais pas si je vous conseillerais ce roman. Je ne peux même pas dire s’il m’a plu. Je pense qu’il est utile, voire nécessaire pour éveiller une certaine prise de conscience chez les lecteurs mais sa lecture m’a tellement coûté que je ne peux pas dire que je l’ai aimé. Je remercie néanmoins les Editions Denoël pour cette découverte même si, contrairement à ce que pouvait laisser penser la couverture, elle n’a pas fait entrer le soleil et la gaieté dans mon salon !

9 juil. 2014

Jules se livre

 
Époustouflant!  L'Homme est fort, il peut supporter presque quotidiennement les pires humiliations et encore aspirer à de petits bonheurs...

Le Brésil dépeint par Alejandro Reyes est à des milliers de kilomètres des belles plages au sable fin et du carnaval où la musique, la samba et les costumes colorent les nuits chaudes d'un pays aux paysages de rêve.
"...toute une vie à être considéré et traité comme de la merde, parce que pédé, enfant des rues, travesti, un insecte qu'il faut écrabouiller, un déchet bon à jeter." (p.389)

Les mots de ce roman expriment énormément de violence sans être trop explicites.  Il n'aurait pas été nécessaire d'en ajouter car toute la souffrance de Maria Aparecida et Betinho transperce chaque page du roman! Élevés à la dur, ils se sont connus au travers des cafards, des rats, des mécréants et des pires atrocités que la terre a malheureusement à offrir.  Ils ont fait un bout de chemin ensemble partageant un peu de joie entre les passes, le vol à l'étalage et la vente de petites objets aux touristes pour survivre. Leurs chemins en ont croisé d'autres, mais jamais pour améliorer leur sort.  Maria Aparecida et Betinho se sont aussi perdus pendant un bon moment, cherchant l'amour pour ne trouver que la trahison, cherchant la lumière pour ne trouver que des coins encore plus sombres...  Ce sont des histoires tristes inspirées de vraies personnes et c'est ce qui est encore plus désolant.

Non, ce n'est pas un roman réjouissant, c'est un roman qui met la lumière sur ce que vivent des millions d'enfants sur cette terre!  De jeunes victimes irrécupérables parce qu'ils auront vécu, en très peu de temps, des milliers de fois ce que vous et moi ne vivrons jamais!

La seule chose que je déplore de ce roman, c'est la traduction avec les expressions tirées du jargon français qui ont parfois suscité quelque interrogations chez moi...  Je peux comprendre que dans certains cas, les mots choisis servent à exprimer une certaine dureté ou telle réalité, mais le lecteur québécois moyen qui n'a pas l'habitude éprouvera quelques difficultés.  "Je te chope"  Quelqu'un peut m'expliquer?

Outre cela, c'est un roman à lire pour ne pas rester indifférent à ce monde souterrain que l'on repousse dans les favelas dans le cas du Brésil.
ISBN: 9782207117071
Parution: 05-05-2014
Trad. de l'espagnol (Mexique) par Alexandra Carrasco

3 juil. 2014

La petite reine de Bahia - Alejandro Reyes

Delcyfaro

Je peux le dire d'ores et déjà j'ai adoré ce roman, c'est une histoire tellement poignante, tellement dure, tirée d'une histoire vraie qui met en scène deux enfants dans un Brésil loin des ors de la Coupe du monde de football. Maria Aparecida est une petite fille d'une beauté à couper le souffle qui se retrouve à la rue après avoir perdu sa maman et avoir fuit son pére qui la maltraite et la viole.

Elle rencontre Betinho, un jeune garçon homosexuel qui la prendra sous son aile et lui viendra en aide, jusqu'au jour où leurs chemins se sépareront.

L'errance de Maria, ses rencontres diverses, variées, bonnes ou mauvaises vont la conduire à la prostitution mais aussi à partager des moments d'amour et surtout d'espoir. Mais a-t'on le droit au bonheur dans ces favelas où règne essentiellement la misère la violence, la drogue..L'amitié et l'amour peuvent-ils encore sauver les gens?

Ce roman est un roman coup de poing dans le ventre et le coeur. C'est d'une violence rare et extrême, pas de serial killer mais une réalité sordide et horrible. L'auteur ne nous épargne rien, ni les viols, ni la descente aux enfers, ni la violence, ni les humiliations, c'est une succession de moments plus terribles les uns que les autres. Ça fait mal au ventre, au coeur, on est souvent au bord de la nausée tellement les situations que vivent les personnages sont monstrueuses mais on espère toujours qu'une lueur d'espoir va apparaître, que le chemin vers l'enfer va enfin s'inverser.

L'auteur nous offre vraiment une oeuvre de toute beauté, tant dans l'écriture, que dans la narration. Cette histoire d'amitié pure et solide est tellement vraie, tellement belle qu'on est subjugué par l'histoire. Une fois ouvert ce roman ne peut pas être lâché parce qu'on veut absolument savoir ce qui va arriver à Maria Aparecida, à Betinho, à Creuza et à Pedrinho.

C'est une vision du Brésil tellement réaliste , tellement poignante,tellement sordide qu'elle est vraiment difficile à imaginer et pourtant on sait très bien qu'elle est malheureusement totalement réelle.

Un immense merci aux Editions Denoël & d'ailleurs et en particulier à Dana Burlac pour cette lecture qui reste en mémoire longtemps après le mot fin.

Chronique sur La petite reine de Bahia

 
Je termine à peine ce roman mais j'ai très envie de vous écrire une chronique à chaud car j'estime que ce sont celles qui sont les plus profondes.

Avant tout il faut savoir que ce livre a été écrit par un journaliste, éducateur de rue au Brésil et que cette histoire a été inspirée de faits réels. Rien que de savoir cela, je pense que j'aurai du mal à fermer l'oeil cette nuit.

En effet nous allons tombée dans une déchéance que j'avais beaucoup de peine à imaginer mais grâce à Alejandro Reyes, j'ai pu découvrir ces atrocités qui existent à l'autre bout du monde. Une découverte qui ne m'enchante absolument pas car cela m'attriste énormément... Le savoir c'est une chose mais le vivre à travers un roman c'est comme si on le vivait soi même.
Maria est une petite fille de 10 qui se retrouve à la rue après un évènement marquant tant lourd que fort émotionnellement. Petite, sans défense, elle va tombée sur Betinho, ce jeune de rue aussi perdu d'elle mais pourtant un peu plus habitué dirons nous... Un peu plus âgé, il va la prendre sous son aile et la protéger à sa façon de la vie.  Deux cabossés par la vie vont vivre l'expérience la plus incroyable que je n'ai jamais lue : d'êtres déchirés, ils vont devenir des êtres de plus en plus délabrés par la vie. Comment est ce possible? Prostitution, drogue, alcool, et j'en passe, tout cela à moins de 13 ans? Mais comment est ce possible?
J'ai lu ce roman avec beaucoup d'empathie mais en même temps avec beaucoup de recul car comment pouvoir assimiler tout ce que j'ai pu lire? comment vivre heureux en se disant qu'à quelques milliers de kilomètres se passent des atrocités pareilles? Du viol à l'overdose.... Et j'en passe....
Maria rêve d'un mieux, Maria rêve d'une vie un jour normale loin de la pauvreté, des misères, de la prostitution. Et elle va s'accrocher à la mort... Maria l'impulsive, la colérique, cette colère qui va lui permettre de continuer à vivre et de s'accrocher à... rien, mais elle va pourtant s'y accrocher.
Alejandro Reyes est un auteur qui ne mâche pas ses mots, il dit ce qu'il pense et comment il le pense et quitte à choquer ses publics, peu l'importe... Il faut que le message passe quelque soit la façon et je peux vous assurer que cela fonctionne. J'ai été envoûtée par cette histoire pourtant si dure, si complexe et si triste mais l'auteur m'a plongée dans l'histoire et j'ai eu beaucoup de mal de m'en sortir. 
 
[Mise en Garde] Il est à savoir que ce roman n'est pas un roman facile à lire, il faut que vous le sachiez car il faut être prêts à accueillir Maria dans votre vie car elle risque de la changer à tout jamais.  Il y a également des scènes très dures à lire.
L'histoire nous est racontée par Betinho, ce jeune homosexuel qui va pourtant nous expliquer avec ses yeux sa vie et celle de Maria. J'ai énormément apprécié cette manière d'écrire, cette optique, ce point de vue tant interne qu'externe car certes Betinho est l'âme soeur fraternelle, son ami, sa muse, sa soeur, sa... (le sait on vraiment?) de Maria mais c'est son oeil externe qui va permettre à ce livre d'être aussi vivant qu'il l'est.

Je sais que ma chronique ne reflète pas la beauté du roman comme je le voudrais... parce qu'il est compliqué d'arriver à la hauteur de Monsieur Reyes... J'aimerai pourtant lui faire honneur alors faites moi plaisir : Dévorez son roman!

Un roman que je vous recommande vraiment, tellement bien écrit et tellement magique, ce roman fait partie des 10 plus beaux livres jamais lus.

Quand vous irez à Bahia et que vous rencontrerez la petite reine, faites attention car vous risquez de ne pas en sortir indemne.

 

28 mai 2014

Espaces Latinos: La petite reine de Bahia

Espaces Latinos

On a déjà vu beaucoup de reportages, de documentaires, beaucoup lu de romans sur la misère des favelas brésiliennes. Et pourtant, avec ce premier roman du Mexicain Alejandro Reyes, La petite reine de Bahia on découvre ce drame de l’intérieur, au quotidien, au plus près de trois enfants, victimes et acteurs, que l’on voit évoluer, souffrir, lutter pour survivre, pour finir par se créer, par exister.

L’horreur quotidienne est omniprésente, et pourtant ces personnages qui n’ont rien en commun avec un lecteur européen, sont montrés comme ce qu’ils sont vraiment, des personnes tour à tour d’une force admirable et d’une faiblesse tout émouvante. Betinho, le narrateur, a une douzaine d’années quand commence le récit, il a fui un taudis dans lequel sa mère l’ignore et son beau-père le viole et a rejoint la rue. C’est là qu’il rencontre Maria Aparecida, dix ans à peu près, qui se trouve dehors pour les mêmes raisons. Ils vont devenir inséparables (avec quelques éclipses), unis par un sentiment qu’ils ne parviendront jamais à définir : de la fraternité, de l’amour, de l’amitié ? Ils s’acceptent d’emblée, ce qui n’est pas tout à fait facile, lui accepte les crises de la fillette, crises incontrôlables qui la poussent parfois jusqu’au bord de la mort, elle accepte l’attirance de Betinho pour les garçons. Alejandro Reyes a passé neuf ans au contact de ces enfants naufragés, il les a vus se battre pour la survie, et il ajoute à cette connaissance le talent de raconter en n’oubliant jamais qu’il nous parle d’êtres humains : l’émotion ne quitte jamais ces quatre cents pages.

L’innocence la plus pure se trouve ici constamment au cœur des pires indignités : l’indignité est dehors, partout : les gamins qui se droguent par désespoir et qui peuvent en mourir avant d’être adolescents, les enfants utilisés, violés par un beau-père ou un oncle et qui acceptent sans se révolter, les adultes, indifférents à toute cette misère sans nom, trop occupés eux-mêmes par leur propre survie. La pureté est en eux, ce Betinho et cette Maria Parecida, qui découvrent au contact l’un de l’autre qu’existent des sentiments qu’ils sont incapables de nommer, mais dont ils savent qu’ils sont l’unique moteur de leurs vies. Ils ne sont pas parfaits, ces deux gosses, loin de là, elle pique de ces crises terribles de colère et d’auto-destruction, il est capable d’une violence froide, d’autant plus effrayante.

Et puis il y a ce sentiment de culpabilité, chacun se croit responsable de son malheur et de celui des autres. En fin de compte, tout se résume à l’idée que chacun lutte pour être quelque chose ou quelqu’un, pour exister en tant que personne, pour ne plus être un objet, sexuel le plus souvent, et enfin se sentir humain. Ce qui manque aussi, ce sont les exemples, tout ce qu’ils connaissent, c’est une mère qui accepte tout d’un concubin violent, un père qui abuse chaque jour de sa fille, un beau garçon séducteur qui se révèle être un proxénète, voilà ce qu’est le monde des adultes pour ces gamins à la dérive, alors vers où se tourner pour remonter, ou plutôt pour monter la pente ?

Le désespoir, s’il est bien présent, n’est que temporaire, provisoire, au bout d’un moment, ces gamins retrouvent toujours une planche de salut, s’y accrochent et découvrent des sources d’espoir qui parfois deviennent des océans et leur permettent de tenir. Le dernier des paradoxes de ce superbe roman, c’est que ces gamins des rues parviennent à nous donner une leçon de vie : merci pour tout cela, Alejandro Reyes !
Christian ROINAT

Alejandro Reyes : La petite reine de Bahia, traduit de l’espagnol (Mexique) par Alexandra Carrasco, Denoël, 415 p., 22,50 €.

En espagnol : La Reina del Cine Roma, Mondadori, México, 2013, roman qui a obtenu le Premio Lipp (2012).